En route vers les étoiles … (par Yannick)

Oscar Wilde disait « Il faut toujours viser la lune car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles ». Notre équipe vise le Sénégal et atterrit déjà aux pieds des Pyrénées. Depuis quelques jours, nous entrevoyons les crêtes qui se dessinent au loin dans la brume de chaleur. Puis les montagnes jouent au chat et à la souris entre deux averses. Si bien que notre première vision du Pic du Midi de Bigorre ressemble presque à une apparition au milieu de ces nébuleuses nuageuses. Nous avons beau être proches de Lourdes, cette ogive montagneuse surplombée de son observatoire astronomique est bien réelle… et il va bien falloir s’élever jusqu’à lui.

Splendide apparition du Pic du Midi quelques minutes avant l’orage

A force de s’en rapprocher les contreforts se font de plus en plus ardus. La route se cabre et les premières défaillances se font ressentir. Simon nous fait ce que j’appelle une « fringale anxieuse ». Il stresse si fortement des ascensions à venir qu’il mobilise toute son énergie à gérer cette inquiétude et le moment venu de passer à l’action, les jambes ne répondent plus. Je le retrouve livide en bord de route. Déchargé de ses sacoches et quelques biscuits plus tard, le voilà reparti vaillamment. Nous avons chacun notre façon de traverser ces passages à vide. Amandine explose d’un coup et se ressaisi dans la seconde. Coline et Marie-Hélène pleurent à chaudes larmes puis se consolent. Quant à moi, je fonds dans un moment de profond désespoir avant de repartir à la conquête.

L’ascension à venir n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit du mythique Tourmalet. Une légende du Tour de France. Dix-huit kilomètres à plus de 7% de pente pour 1400 mètres de dénivelée. Avec notre chargement, nous faisons sensation parmi les cyclosportifs partis en quête de performance pour atteindre les 2115 mètres du col. Notre allure est bien plus rampante, si bien que les dix premières bornes nous prennent la matinée. Soudain, arrêt général : le compteur kilomètrique vient de faire la bascule des 1000. Ces quatre chiffres galvanisent les petites jambes de nos aventuriers qui tournent, tournent encore et encore pour gagner chaque mètre d’altitude.

Vertigineuse route du Tourmalet

Mon regard ne peut se détacher du mur qui se dresse devant nous. Il apparaît infranchissable. Deux interminables lacets taillés dans la falaise sans le moindre répit possible. A trois kilomètres du sommet, je vacille. Les enfants partent en avant. Je m’accroche à cette fierté toute masculine de ne pas être décroché. A cet instant, ce sont eux qui me guident alors que je dois tracter à quelques reprise Amandine accrochée par une sangle à mon vélo pour ces passages particulièrement difficiles. Je fais le vide dans mon esprit et avance tel un automate. Coup de grâce : Coline demande si elle peut partir en tête jusqu’au col. Mes jambes se dérobent. Les voilà qui nous larguent sans le moindre ménagement. Finalement, pour eux aussi, la pente est insoutenable et ils se ravisent rapidement.

Je peine toujours et encore mais m’accroche à mes dernières ressources. Nous y sommes presque. La brume et le froid enveloppent les cimes terminales. Dans un ultime effort, la famille s’est regroupée pour franchir les derniers hectomètres. Nous chantons à tue-tête : « petit prince à vélo, arrivera jusqu’en haut, du Tourmalet ». Pour l’honneur et pour mes enfants qui me suivent, je ne peux mettre pied à terre comme j’ai tant envie de le faire. Pas le choix, je me dresse sur les pédales, une fois, deux fois, sous les encouragements d’Amandine qui valent ceux de la foule. 10 mètres et c’est fait. J’ai du mal à réaliser. Nous avons réussi à force de persévérance. Je suis ému, soulagé, abasourdi. Ce sont précisément pour ces moments-là qu’on accepte de telles épreuves. La fierté est lisible dans les yeux de nos enfants. Nous exultons de joie. Ces défis personnels construiront leur confiance en eux. Se rapprocher des étoiles est notre plus belle médaille !

La joie de l’exploit accompli

Toujours plus haut, un téléphérique nous emmène vers l’observatoire perché sur son piédestal. Amandine va enfin pouvoir comprendre se qui se cache sous ces grandes coupoles blanches. Nous y rencontrons Eric Josselin, le directeur du site. Le temps d’une merveilleuse journée ensoleillée, il se glisse avec plaisir dans la peau de l’astronome du Petit Prince, son livre préféré, qui a contribué à forger sa vocation. Homme passionné, il captive vite l’attention des enfants. Muni de son laissez-passer, il nous ouvre toutes les portes de ce laboratoire des cimes. La construction de ce vaisseau céleste, uniquement à dos d’hommes et de mulets, constitua une formidable aventure humaine. Les gens d’ici prenaient pour des fous ces scientifiques qui voulaient ainsi se rapprocher des étoiles.

Panorama à couper le souffle

La vue depuis la coursive qui encercle la grande coupole est à couper le souffle. D’un côté la plaine où le regard porte facilement jusqu’à Toulouse, de l’autre, la chaîne des Pyrénées dans toute sa splendeur. Dans l’atmosphère réfrigérée de l’imposant dôme qui abrite le télescope géant, j’imagine ces astronomes passant des nuits entières à contempler la voûte céleste. Pour ces chercheurs – en costume turc ou pas – les étoiles sont des problèmes à décrypter. L’un d’eux travaille modestement sur les étoiles géantes rouges, le second analyse le champ magnétique des aurores boréales alors que le troisième, un coronographe, observe le soleil. Le génie humain a conçu ces lunettes ultra-sophistiquées qui semblent être capables d’absorber le moindre scintillement du ciel, le contracter dans un câble de fibre optique pour le restituer sur les écrans d’ordinateur des astronomes. Nous sommes subjugués par ces images d’éruptions solaires qui nous ouvrent le monde de l’immensément grand.

Merveilleuse journée en compagnie d’Eric Josselin, notre astronome du petit prince

Toute une vie consacrée à comprendre des phénomènes éminemment complexes, à quantifier l’abstraction même. Des calculs qui nous amènent à raisonner en milliards d’années, tout en ayant la certitude que la prochaine éclipse visible depuis le Pic aura lieu dans 108 ans. Mais comme le dit notre ami du petit prince, tout cela n’a pas tellement d’importance. Ce qui compte vraiment, c’est de rêver par une nuit claire en admirant le ciel en silence. De se sentir poussière d’étoile parmi les étoiles.

7 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Anne dit :

    On est très fiers de votre magnifique ascension !
    Et on pense bien à vous en relisant nos fiches du schéma…. A chacun son Everest
    Anne

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  2. Nicolas et les mmnms dit :

    Super cette ascension familiale du Tourmalet! Une belle fabrique à souvenirs! Bravo à vous tous et bises des Mmnms

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    1. Bravo pour vos 1000 premiers km! J’arrive enfin a prendre le temps pour vous encourager depuis la DolceVia où nous avons dû suivre quelque peu vos traces!
      Belle continuation à tous!
      Vincent (et Isa, Robin & Capucine)
      L’heureux Cyclotour en test sur la DolceVia !

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  3. Antoine CARRET dit :

    Votre récit me donne beaucoup de courage. Ce dernier chapitre est particulièrement édifiant. Les sentiments décrits par Yannick sont très vrais et peuvent s’appliquer à tout moment d’une vie familiale. Vous avez vu grand, c’est normal que vous receviez beaucoup. Bonne route.

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  4. mbfantou dit :

    6 août, nous continuons à suivre nos héros, nous aimerions être là lorsque c’est trop dur jusqu’à quelques larmes de découragement. Mais nous pensons bien à vous et prions que le créateur vous donne sa force en contemplent sa puissance au travers de sa création. Un psaume dit que le sommet des montagnes sont à lui. Nous sommes à vos cotés. Vous êtes formidable , c’est ce que vient de me dire Marie Bernadette. Nous repartons dimanche 11 pour quatre semaines. Belgique, Lille, plage du débarquement,Bretagne, Vichy. Nous vous suivrons au retour vers le 15 septembre . Soyez bénis. Claude et Marie Bernadette

    Provenance : Courrier pour Windows 10

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  5. Dumay dit :

    Magnifique ! On est trop fier de vous! On vous embrasse. Norah, Nolan et Vanessa

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  6. Martine dit :

    Assise confortablement devant le PC j’en ai pas moins le souffle coupé à la lecture de vos exploits ! Quelle belle aventure familiale, quelle extraordinaire construction dans le domaine de la confiance en soi, gagnée défi après défi. Les rencontres tout au long du voyage laisseront des souvenirs indélébiles. Vous êtes formidables ! J’espère faire partie du public qui vous attendra à Bignona en décembre prochain. Bonne continuation. Martine

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