Ils s’appellent Fifi, Dino, Aziz, ou encore Isabelle, Sophie… Ils travaillent ensemble pour une structure française de recyclage et d’économie circulaire bien connue, qui s’est étendue au monde entier. Une vraie start-up, se développant à grande vitesse, forte d’une ressource inépuisable, nos déchets, et d’une main d’oeuvre motivée. Bienvenue à Emmaüs, dans sa plus grande succursale Française : le village Emmaüs Lescar-Pau et ses 130 personnes actives au quotidien : compagnons, bénévoles, salariés
Dès 8 h le matin, la musique résonne entre les mobil’homes, les hangars et les maisons éco-construites qui font la particularité de la communauté. Alors chacun rejoint son poste : qui aux camions prêts à partir marauder toute la journée pour vider des maisons désertées, qui aux ateliers de tri et de réparation, qui aux hangars de vente où il faut réapprovisionner les stocks. Cet espace de vente, un bric à brac organisé (mobilier, électro-ménager, livres, vêtements, vaisselle, jouets, instruments de musique…) peut voir passer jusqu’à 3000 clients par jour. Ces allées exhibent avec ostentation la production pléthorique de biens que notre société engendre, sans être capable d’en assurer la disparition complète.
De la recyclerie aux ateliers, le mouvement est permanent. Les véhicules se pressent pour se délester de leur bardat. Celui-ci est réparti en quelques minutes vers les différents secteurs d’activité où toute récupération et réparation envisageable va être étudiée et réalisée si possible. On reste bouche bée devant les locaux remplis de livres du sol au plafond, les palox où s’empilent les vêtements sur des centaines de mètres carrés, les amoncellements d’ordinateurs attendant leur sort. Des tonnes de matériaux tirés du sol, ayant servi quelque temps et qui ne retrouveront peut-être pas de nouvel usage. Et ce n’est qu’une infime part du volume quotidiennement mis au rebut par notre monde. On se questionne parfois sur la durée de vie d’un objet, mais ose-t-on s’interroger sur son devenir ultérieur ? Même travaillant comme des fourmis pendant 8 heures par jour, les paires de bras des compagnons semblent bien dérisoires face aux masses accumulées ! Heureusement, il se passe chaque jour des petits miracles : en quelques heures, Yannick et Simon, avec Jean-Pierre, transforment un vélo déglingué en beau VTT tout neuf, qui sera vendu dès le lendemain ! Des petites victoires qui font la fierté des compagnons, acteurs d’une terre plus propre comme d’une société plus juste.
Chacun a une raison différente de se trouver bien ici. Arrivées par hasard ou par choix, ces compagnons ont pour point commun d’être en dehors de la vie ordinaire. Ils ne veulent pas qu’on les admire comme le vaniteux. Peut-être voudraient-ils seulement qu’on les regarde, qu’on les écoute. Ils trouvent à Emmaüs l’accueil dont ils ont besoin pour écrire une nouvelle page de vie humaine. Ils sont gilets jaunes, citoyens engagés : ils ont les mains dans le cambouis des misères sociales, le doigt sur les fissures de la société, le goût amer de la surconsommation encouragée jusqu’à la nausée.
Comment trouver un chemin pour permettre à chacun de trouver une place, un équilibre personnel, en fonction de son histoire et de ses capacités ? Comme Telma, je ne suis pas loin de croire qu’une des clés est d’adoucir la compétition et la course à la rentabilité, qui exclut toute faiblesse humaine et se moque des ressources disponibles. La planète des hommes sera plus belle, lorsque les vivats et les bravos n’iront plus à l’homme au plus beau chapeau, mais à la réussite collective pour conduire avec sagesse notre navire terrestre.
Belles rencontres
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