Ma rose… par Yannick

Versant Sud, dévaler l’Atlas à bicyclette est une délectation. La vallée du Dadès creuse ses sillons dans un vaste plateau schisteux puis irrigue de jolies oasis verdoyantes avant de se resserrer en gorges abruptes le long de roches rouges chauffées par le soleil.

Vient alors la vallée des roses, un microcosme au milieu des cailloux. En famille, nous la traversons au prix d’une journée harassante, en nous enivrant du parfum particulier des roses de Damas, symbole de l’amour.

Les fameux lacets de la vallée du Dadès

Et je m’aperçois que jusqu’à présent, je ne vous ai pas encore parlé de ma rose, pourtant unique à mes yeux. Il faut dire qu’un tel voyage nous laisse peu de temps et d’intimité, concentrés que nous sommes sur le rythme et l’énergie de nos enfants.

Ma rose ferme la marche, veillant à la sécurité de son petit troupeau. Légèrement décalée, elle force les véhicules à ralentir, à nous contourner. Elle nous protège des chiens qui cavalent à nos trousses et n’oublie jamais, dans son instinct maternel, de nous ravitailler avant que se présentent les moments difficiles.

Ma rose a des épines. D’un regard, d’une remarque, elle peut vous foudroyer. Trop acérées, peut-être ? Cela lui a d’ailleurs joué bien des tours, et en retour la vie lui a déjà donné quelques coups de griffes. Si elle sait se défendre, elle n’en demeure pas moins fragile. Et c’est comme ça que je l’aime, car elle n’a pas besoin de mettre de muselière à son mouton.

Ma rose est amoureuse. Elle me flâte de son attention, de son admiration. Toujours prête à me suivre dans mes folies, mes utopies. Elle corrige mes défauts plutôt que les souligner. Toujours aussi belle malgré le temps qui fâne.

Ma rose est généreuse. Elle donne sans compter. Dévouée, serviable, comme beaucoup de femmes, elle fait des joies des autres son propre bonheur. Avenante, elle aime partager, faire connaissance, aller vers les autres, apprivoiser.

De belles rencontres entre femmes

Ma rose a besoin de tendresse. Et l’on se chante souvent ses paroles de Bourvil : « On peut vivre sans richesses, presque sans le sou. Des seigneurs et des princesses, y’en a plus beaucoup. Mais vivre sans tendresse, on ne le pourrait pas. Non, non, non, on ne le pourrait pas. »

Il a suffit d’une étincelle. Un coup de foudre puis beaucoup de passion. La promesse d’un engagement pour se donner le temps. Trois enfants, de grands voyages, beaucoup de projets, de belles randonnées et un foyer ouvert pour recevoir des gens du monde entier.

Ensemble, nous avons construit un amour bien loin des films hollywoodiens. Pas besoin de grands coups d’éclats pour naitre et perdurer. Notre amour ressemble bien davantage à l’eau d’une source qui jaillit d’on ne sait où, pour se frayer un cheminement malgré les rocs. Loin d’être un long fleuve tranquille, le ruisseau de notre amour se fortifie au fil des ans pour gagner en sérénité.

Devant l’Oued M’Goun qui parcourt cette vallée roseraie, je me dis en secret que si le bonheur est un but qui se trouve en cheminant, l’amour est une fontaine mystérieuse qui s’embellit chaque fois qu’on s’y abreuve tendrement.