Tarfaya – Cap Juby. De 1927 à 1929, Antoine de St exupéry est nommé chef d’escale dans ce petit fortin espagnol à mi-distance entre Tanger et Dakar. Tout juste devenu pilote, le voici cloué au sol sur cette langue de terre entre mer et désert. « Du sable, du vent et des étoiles » écrira-t-il. Loin des villes, des mondanités et des femmes, dix-huit mois d’une vie ascétique révéleront son talent littéraire. Au milieu des dunes, St Ex – l’aviateur devient écrivain. Il raconte l’épopée de l’Aéropostale dans son premier roman, Courrier Sud, qui connaît un succès immédiat.
Se retrouver en ces lieux est comme un voyage dans le temps. Les photos d’époque s’affichent dans leur pleine réalité. La Casamar balayée par les vagues marque toujours l’horizon océanique. Le baraquement décrépi du bord de piste attend immuablement l’arrivée d’un biplace à hélice. J’imagine St Exupéry face à la mer humant les embruns. « Pique-la-lune », nez au vent, contemplant le ciel scintillant. Certains passages de ses romans me reviennent en tête et il ne me faut pas beaucoup d’effort pour envisager l’écrivain travaillant à la lueur d’une lampe tempête sur le petit bureau qui fait l’angle de sa chambrette. Dans un songe, je le vois venir à moi en col roulé blanc entouré d’enfants amusés et d’hommes en Djellaba. Il se rapproche, prêt à me serrer la main, quand je réalise que tout cela n’est qu’illusions provenant des images d’archives qui ornent les murs du musée de la ville.
L’homme qui me fait face aujourd’hui est le nouveau St Exupéry de Tarfaya. Aussi généreux, affable et avenant que devait l’être le pilote, ses amis le surnomme assez justement Sadat’Xupéry. Cela lui va très bien ! Président de l’association « les amis de Tarfaya », il se bat d’arrache-pied pour faire vivre la mémoire de l’Aéropostale dans ce lieu mythique de la ligne. Une salle d’exposition a été créée, de nombreux événements sont organisés et quelques aviateurs nostalgiques viennent ici comme en pèlerinage.
Mais faire exister la pensée de l’auteur du Petit Prince n’est pas chose facile. Sadat se désole du peu d’intérêt de ses compatriotes pour le défunt homme blanc, perçu comme ancien colonisateur. Et que dire de la tournure bien trop commerciale que l’on donne de nos jours à l’héritage du « little prince » !

Alors, plus que de conserver les vestiges de vieux murs, c’est l’âme même de l’écrivain-aviateur que tâche d’incarner Sadat, l’altruiste. L’un comme l’autre, à près d’un siècle d’intervalle, rêvent d’une société humaine apaisée où chaque homme saurait se transcender au profit des autres. « Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés par une même planète, équipage d’un même navire » écrivait-il dans Terre des Hommes. Ce pilote qui n’aimait pas la guerre et qui « n’aimait pas que l’on abîme l’homme » était un rêveur éclairé, un humaniste visionnaire qui prônait la responsabilité et l’engagement.
Et parmi toutes les citations du célèbre homme de lettres, voici ma préférée, punaisée au-dessus de mon bureau : « Être homme, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semble pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les camarades ont remportée. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde ».
Ce grand gaillard qu’est Sadat m’émeut justement parce qu’il donne sans compter, qu’il construit pierre après pierre son chemin de mémoire. Nous le quittons le cœur gros, promettant de se revoir, en nous disant que le père du Petit Prince a su transmettre sa jolie philosophie aux générations futures.

Simplement : merci Yannick ! et bonne route à vous tous…
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MERCI Yannick de nous rafraichir la mémoire et de nous « connecter » aux pensées sur l homme qui font du bien !!!
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